Le mont Rwenzori (Ouganda/RDC) : l’Équateur avec crampons
Quand on pense Afrique, on imagine souvent savane et chaleur écrasante… Et pourtant, là-haut, aux confins de l’Ouganda et de la République Démocratique du Congo, les Rwenzori jouent les rebelles : neige, glaciers et un climat qui frise le surréalisme pour la latitude. Marcher sur ces géants, c’est découvrir un des trekkings les plus engageants et improbables du continent.
Le mont Stanley, point culminant de la chaîne à 5 109 mètres (au sommet Margherita), demande bien plus qu’une paire de bonnes chaussures. Il faut de la technique, une condition béton, et une bonne tolérance à l’humidité : la forêt montagnarde est luxuriante et boueuse à souhait. Autrement dit, si tu n’as jamais eu l’impression de randonner dans une éponge géante, tu seras servi !
Les guides sont obligatoires — et rassurants : ici, les repères sont vite brouillés par les kilomètres de touffes de bruyère géantes, les ponts glissants au-dessus des marais et les variations climatiques aussi soudaines que brutales.
Une randonnée qui se mérite donc, mais crois-moi : le lever de soleil sur les glaciers équatoriaux, c’est une claque qu’on ne reçoit pas deux fois dans une vie.
Le Drakensberg (Afrique du Sud et Lesotho) : les montagnes du Dragon portent bien leur nom
Direction l’Afrique australe, où le massif du Drakensberg, dont le nom signifie littéralement « les montagnes du Dragon », déploie ses murailles basaltiques. Ici, la difficulté tient autant à la verticalité qu’à l’isolement. La météo peut passer d’un grand ciel bleu à une tempête de grêle en deux heures, les sentiers sont escarpés, et certains passages nécessitent un sacré sens de l’orientation (et parfois une corde).
Un des circuits les plus coriaces (et mythiques) : le Sentinel Peak jusqu’à l’amphithéâtre du Tugela Falls, les plus hautes chutes d’Afrique. Ce n’est pas tant la distance (environ 12 km aller-retour) que la montée raide, les échelles métalliques suspendues dans le vide et l’altitude à 3 000 mètres qui testent les mollets et les nerfs.
Pour les plus téméraires, il est possible de poursuivre dans les Plateaux du Lesotho en autonomie totale… Où il peut neiger même en été austral. Atmosphère brute garantie. Ça sent la liberté, mais aussi les bivouacs rugueux sur des falaises où seul le vent t’accompagne. Et peut-être un berger en couverture traditionnelle, sorti de nulle part.
Le Simien (Éthiopie) : l’altitude sans ménagement
Les montagnes du Simien, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, sont parfois surnommées le « Grand Canyon africain ». Mais ici, c’est plus une affaire de plateaux et de précipices, le tout ponctué de pics rocailleux et de dénivelés à gogos : bienvenue dans l’une des régions les plus spectaculaires — et exigeantes — d’Éthiopie.
Le circuit classique de Debark à Ras Dashen (4 550 m) se fait en 6 à 10 jours. Ça grimpe dur, mais vous êtes recompensé par des panoramas fous… et des rencontres que vous ne ferez nulle part ailleurs. Les singes geladas aux babines rouges seront probablement vos seuls voisins de camp. Ils sont peut-être aussi polis que mystérieux, mais leur présence ajoute une dimension presque mystique à l’expérience.
La difficulté ? L’altitude, encore et toujours. Combinée à l’éloignement. Il faut loger dans des camps spartiates, marcher 7 à 9 heures par jour, avec des passages qui flirtent avec le vide. Pour certains, le mal aigu des montagnes peut pointer le bout de son nez. Ce n’est pas l’Himalaya, mais le respect s’impose.
Petit bonus : ici, le lever de soleil sur le massif n’a rien à envier à ceux du Népal. Et surtout, vous n’êtes pas 300 à le voir au même moment. Le Simien, c’est une solitude rare et majestueuse.
Le massif de l’Atlas (Maroc) : au-delà du Toubkal
On parle souvent du Toubkal (4 167 m) comme étant le sommet de tous les défis au Maroc. Pourtant, les véritables épreuves pour randonneur aguerri se trouvent souvent à ses marges : circuits en autonomie dans les vallées perdues, traversées du Haut Atlas central ou l’ascension du M’Goun (4 071 m), bien plus isolée et technique que le Toubkal lui-même.
Dans l’Atlas, la difficulté tient à plusieurs facteurs : des sentiers anciens, peu balisés, parfois effacés par les crues. Des vallées où l’eau manque cruellement et des villages éloignés, où l’on dort chez l’habitant, au plus proche de la culture berbère.
Un souvenir personnel : lors d’un bivouac dans la vallée d’Anergui, une tempête de sable a transformé mon dîner en semoule au gravier. Le genre de repas que tu n’oublies pas… surtout quand tu marches 2 000 m de dénivelé positif le lendemain.
Et puis il y a cette lumière inimitable des matins sur les contreforts de l’Atlas, les animaux transporteurs au pas placide, les échanges de sourires avec les enfants du village. Une rando dans l’Atlas, c’est un test physique et une immersion sincère.
Le volcan Nyiragongo (RDC) : dans les entrailles de la Terre
On termine avec une rando courte, mais extrême à sa manière : l’ascension du volcan Nyiragongo, en République Démocratique du Congo. À première vue, avec ses 5 à 6 heures de marche jusqu’au sommet, ce n’est pas la plus longue. Et pourtant… elle est classée parmi les plus dangereuses du continent.
Pourquoi ? Parce que ce volcan est actif. Très actif. Son lac de lave permanent est l’un des plus grands du monde. Dormir à seulement quelques centaines de mètres au-dessus de ce chaudron rougeoyant, c’est une sensation de fin du monde (et une montée d’adrénaline unique).
L’ascension commence à Kibati, à 1 900 m, et grimpe raide jusqu’aux 3 470 m du cratère. La pente est explosive — jeu de mots assumé — avec un sol qui alterne entre roches volcaniques tranchantes, cendres fines et gravillons instables.
Et puis il y a ce détail : on dort au sommet, dans un abri sommaire, avec le bruit des entrailles de la Terre pour berceuse. Une nuit que tu n’oublieras pas. Littéralement magique… à condition que le volcan ne décide pas de se réveiller plus fort que prévu.
À noter : depuis les dernières éruptions, la zone est encore très encadrée. Il faut des autorisations, des guides, et une sacrée dose de motivation pour y aller. Mais quel voyage intérieur !
Quelques conseils pour randonner extrême en Afrique
- Acclimatation : Même si l’Afrique ne rime pas forcément avec altitude dans l’imaginaire, les sommets dépassent souvent les 4 000 m. Prends ton temps.
- Guides locaux : Ils sont bien plus qu’un GPS vivant. Ils partagent leur culture, connaissent la météo et savent quand il faut rebrousser chemin.
- Météo imprévisible : Même en saison sèche, les tempêtes peuvent être violentes. N’embarque pas sans poncho et sac étanche.
- Buvabilité de l’eau : Prévois des pastilles purifiantes ou un filtre, surtout si tu pars en autonomie.
- Respect des cultures : Chaque massif est aussi un territoire habité, parfois sacré. Demande avant de prendre une photo, et sois humble face aux traditions.
L’Afrique regorge de défis pour les randonneurs en quête d’authenticité, de grands espaces et de frissons. Pas besoin d’aller au bout du monde pour vivre l’aventure : parfois, c’est dans la rudesse du terrain et la chaleur humaine d’un bivouac africain que le voyage prend tout son sens.
Alors, crampons bien fixés, sac léger mais prêt à tout : l’exploration commence dès que tu poses le premier pas hors des sentiers battus.