Randonnée Madère routard : le guide pour explorer l’île à pied hors des sentiers battus
Pourquoi Madère séduit les randonneurs en quête d’authenticité
Perdue dans l’Atlantique, à mi-chemin entre le Maroc et le Portugal, l’île de Madère, souvent surnommée « l’île de l’éternel printemps », fait figure d’eldorado pour les marcheurs. Avec ses falaises abruptes plongeant dans l’océan, ses forêts de lauriers classées à l’UNESCO, et ses célèbres levadas (ces canaux d’irrigation transformés en sentiers), elle offre une expérience à mi-chemin entre l’Amazonie et l’Islande. Pourtant, en s’éloignant un peu des brochures touristiques, on découvre des itinéraires sauvages, loin des foules – et là, c’est le grand frisson.
J’ai parcouru Madère sac au dos, en quête de sentiers méconnus. Et ce que j’ai trouvé, c’est bien plus que des paysages : c’est une île construite pour les vagabonds, les amoureux de nature brute, ceux pour qui marcher, c’est s’ancrer dans le monde. Voici mon guide pour explorer Madère comme un vrai routard, hors des sentiers battus.
Quand partir pour randonner à Madère ?
Madère bénéficie d’un climat doux toute l’année. Mais attention, ça ne veut pas dire que toutes les saisons se valent pour randonner. L’hiver (décembre à février) reste humide, surtout dans les hauteurs, avec de la brume et parfois des averses en montagne. En revanche, de mai à octobre, c’est le jackpot : températures agréables, peu de pluie, ciel dégagé… Et une nature luxuriante après les pluies printanières.
Personnellement, j’ai une préférence pour le mois de septembre : les vacanciers d’août sont repartis, la température de l’eau est idéale pour un bain post-randonnée, et les sentiers retrouvent un calme que beaucoup recherchent.
Infos pratiques pour partir léger (mais pas à l’impro)
Avant de se lancer à l’assaut des chemins, quelques points logistiques peuvent faire toute la différence :
- Accès : L’aéroport de Funchal est très bien desservi, notamment depuis Lisbonne ou Porto. Louer une voiture est une bonne option, mais le réseau de bus est fiable… si vous êtes patient.
- Hébergement : L’île regorge de petits gîtes et alojamentos locais (hébergements chez l’habitant). Pour les aventuriers, quelques spots de bivouac sont tolérés (hors parcs protégés), à condition de rester discret et respectueux… comme toujours.
- Équipement : Emportez de bonnes chaussures étanches, une veste coupe-vent, une lampe frontale (essentielle pour certaines levadas avec tunnels) et un maillot de bain. Oui, vous en aurez envie après avoir marché 6h sous le soleil.
Ah, et n’oubliez pas des barres énergétiques ou fruits secs : dans certaines zones, les points de ravitaillement sont rares, voire inexistants.
Les sentiers incontournables du Madère version routard
Voici quelques randonnées qui m’ont marqué, non pas pour leur renommée, mais bien parce qu’on y croise plus de chèvres que de randonneurs…
Levada do Furado – version prolongée
La plupart des gens s’arrêtent au mirador de Balcões. Erreur. Continuez jusqu’à Ribeiro Frio, puis prolongez le chemin jusqu’à Portela. Ce tronçon isolé, serpentant dans une forêt primaire quasi mystique, est un véritable voyage dans le temps. Attention, le terrain est parfois glissant, mais les panoramas sur les flancs ravinés de l’île valent les jambes en coton.
Pico Ruivo en bivouac
La montée vers le Pico Ruivo (1862 m) depuis Achada do Teixeira est déjà splendide de jour. Mais tentez cette expérience : partez en fin d’après-midi, bivouaquez juste avant le sommet (zone dégagée près du refuge, sans feu bien sûr), et levez-vous aux premières lueurs. Le lever de soleil depuis le toit de l’île, avec la mer de nuages en contrebas, c’est une claque émotionnelle difficile à décrire. J’y ai eu les larmes aux yeux, littéralement.
Vereda do Chão dos Louros
Une boucle peu connue située non loin de São Vicente. Ce petit coin de paradis semble oublié par les guides. Forêt dense, chant des oiseaux, brise fraîche… et rarement une âme à croiser. Le dénivelé est modeste, mais le plaisir, immense. Apportez un pique-nique et profitez du calme.
Sortir des cartes : explorer les villages et chemins oubliés
Randonner à Madère, ce n’est pas que suivre des tracés balisés. En s’écartant des sentiers classiques, on découvre les anciennes calçadas, d’anciens chemins pavés que les insulaires empruntaient à dos de mule. Beaucoup sont en friche ou apparaissent à peine sur les cartes OpenStreetMap. Ils relient des hameaux en terrasses où le temps semble suspendu.
Un matin dans le nord-ouest, entre Seixal et Ribeira da Janela, je suis tombé sur un vieux berger qui m’a conseillé une « traverse » oubliée vers un sommet environnant. Je me suis retrouvé à escalader une dent rocheuse au milieu des agapanthes, avec l’océan comme ligne d’horizon. Personne, pas un bruit, juste le vent et le vide. À ces moments-là, on comprend pourquoi on marche.
Randonner responsable sur une île fragile
Madère n’est pas un parc d’attraction, c’est un écosystème unique. Le Laurisilva (forêt de lauriers humide) abrite des espèces endémiques, délicates, parfois menacées. Alors hors de question de sortir des sentiers tracés dans ces zones, ou de cueillir la moindre fleur en se disant « oh, c’est joli, je vais l’emmener en souvenir ».
Et comme ailleurs : on ne laisse rien derrière soi (à part peut-être ses pensées), on évite la musique à fond (même si vous avez la BO parfaite pour le moment), on respecte les zones interdites, et on prend le temps de saluer les gens qu’on croise. À Madère, un sourire sincère vous ouvre plus de portes qu’un GPS dernier cri.
Où manger, s’approvisionner, et… boire un coup après l’effort ?
Parce que la randonnée, ça creuse. Voici quelques coins que j’ai testés (et validés) pour reprendre des forces :
- Cantinho da Serra (à Estreito da Calheta) : petit resto rustique, cuisine traditionnelle. Mention spéciale pour la viande de porc aux épices locales.
- Casa de Chá do Faial : après une rando dans les montagnes de l’Est, rien de tel qu’un bolo de mel (gâteau au miel) maison et une poncha (alcool local à base de rhum, citron et miel). Doux, mais traître…
- Mercado dos Lavradores (à Funchal) : parfait pour faire le plein de fruits exotiques, noix, et douceurs locales à glisser dans le sac à dos.
Et le grand classique : acheter du pain, du fromage de chèvre et un maracujá dans une petite boutique, pour improviser un pique-nique avec vue à 360° sur le monde. Ça, c’est le luxe du routard.
Et si Madère devenait votre prochain carnet d’aventures ?
L’île a beau être petite, elle est dense, généreuse, pleine de contrastes. On y passe d’un sommet perché dans les nuages à une piscine naturelle en basalte en une heure de marche. En vadrouillant seul à travers ses paysages, j’ai senti quelque chose de rare : cette impression de s’éloigner du monde tout en s’en rapprochant. Si vous cherchez une destination où chaque sentier raconte une histoire, où les pieds mènent là où les cartes hésitent, alors Madère est faite pour vous.
Allez, la prochaine fois que vous entendez quelqu’un dire « Madère ? C’est pas juste pour les retraités ? », souriez. Vous, vous savez.
